Entre transmissions et diversité, les défis du renouvellement des générations d’agriculteurs

Anne Dumonnet-Leca, fondatrice et présidente de l’association VoxDemeter, et présidente du Syrpa (le réseau des Agri-communicants), est spécialisée dans la communication des acteurs et des marques médias du secteur. Elle répond à nos questions.

Dans nos campagnes, une transition silencieuse mais vitale s’opère : le renouvellement des générations d’agriculteurs. Près de la moitié des agriculteurs français, soit environ 200 000, vont prendre leur retraite dans les dix prochaines années. Un chiffre qui, loin d’être anecdotique, représente bien plus qu’un simple départ à la retraite et reflète un défi profond.

 

Quels sont les enjeux de la continuité des exploitations agricoles ?

La continuité des exploitations agricoles représente un enjeu majeur pour l’avenir de notre agriculture et notre souveraineté alimentaire.

Traditionnellement, les transmissions d’exploitation se faisaient de père en fils, perpétuant ainsi un savoir-faire ancestral. Cependant, le paysage agricole a évolué et près de 60% des exploitations se retrouvent aujourd’hui sans repreneur au sein de la famille. Cette réalité pose un problème majeur car, au-delà de la cession de l’outil de production – entreprise, bâtiments agricoles, foncier, cheptel, matériel – il est essentiel de garantir le transfert du savoir-faire. Car ce sont des décennies d’expérience, de techniques ancestrales et de connaissance du terroir qui sont en jeu.

De plus, le taux de renouvellement actuel est insuffisant pour répondre aux besoins de notre agriculture. Avec seulement 14 000 reprises d’exploitation par an, alors que 20 000 seraient nécessaires, le compte n’y est pas, et il est clair que des changements s’imposent. Cette disparité souligne une urgence : repenser nos modes de transmission et encourager l’installation des nouvelles générations et des femmes.

 

D’après vous, quelles sont les solutions pour soutenir l’installation et la transmission ?

Face à cette situation préoccupante, tous les acteurs du secteur agricole doivent unir leurs forces pour accompagner efficacement cette transition et garantir la pérennité des exploitations. Il en va, pour moi, de l’avenir de notre agriculture.

De nombreux organismes se mobilisent déjà dans cette bataille pour la continuité et la prospérité de notre agriculture. Par exemple, le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a publié récemment un Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, comprenant 35 mesures articulées autour de 4 axes.

L’un des premiers défis consiste à promouvoir les métiers agricoles et à les rendre attractifs pour les nouvelles générations. Cela implique de faire connaître l’agriculture de l’enseignement général avec des programmes de découverte dès l’école afin de mieux valoriser les nombreux métiers de l’agriculteur et de l’agricultrice.

En ce qui concerne l’accompagnement des futurs installés, la création d’un point d’accueil unique Réseau France services agriculture pour favoriser les démarches à l’installation devrait aider à simplifier et soutenir les premiers pas des installés.

Au-delà de ces initiatives, je crois beaucoup à l’engagement franc des pouvoirs publics pour créer un environnement favorable à l’installation des nouveaux agriculteurs. Cela peut passer par des programmes de mentorat, des dispositifs d’aide au remplacement et autres soutiens financiers ponctuels. L’objectif final étant d’assurer pour les générations futures l’accès aux exploitations agricoles et leur pérennité.

 

Que pensez-vous du rôle des femmes et de leur impact sur le renouvellement des générations ?

Leur rôle est indéniable et doit être encore plus encouragé. Jusqu’ici, la contribution des femmes dans les exploitations était minorée, sans véritable reconnaissance du travail effectué car non rémunéré et le plus souvent dans l’ombre de leurs conjoints. Aujourd’hui elles sont 121 400 femmes dans le secteur agricole. Et 26 % d’entre elles, cheffes d’exploitation et conjointes-collaboratrices, décident de l’orientation de leur outil de travail. Ce qui peut changer la donne, c’est que les femmes représentent aujourd’hui, 40 % des nouveaux entrants en agriculture. Généralement, elles arrivent en agriculture après une première expérience professionnelle, avec plus de diplômes en poche et plus tardivement que les hommes avec une moyenne d’âge de 41 ans. Installées souvent hors cadre familial, elles ont connu un parcours professionnel et personnel différents de leurs homologues masculins et issus du milieu agricole, qui leur permettent d’apporter un regard neuf et de développer des projets agricoles plus atypiques.

Malgré leur vision différente et peut-être aussi en raison de celle-ci…, elles doivent être accompagnées par le monde agricole. Son rôle est déterminant pour qu’elles puissent s’épanouir aussi bien personnellement que professionnellement. Face à des transitions complexes, comme celles que nous traversons, il me semble essentiel d’intégrer ces nouveaux profils, et les femmes en particulier, dans la durée et pas seulement ponctuellement.

 

Comment peut-on encourager leur participation et leur leadership ? 

Encourager la participation et le leadership des femmes dans le secteur agricole nécessite une approche multifacette. Tout d’abord, ce n’est pas seulement une question de formation agricole pure. Si celle-ci est incontournable, il est important de se former régulièrement et de continuer à apprendre de nouvelles techniques comme de nouvelles pratiques en termes de bien-être et de développement personnel… Il est également important de mettre en avant des modèles féminins inspirants, car les jeunes femmes qui choisissent l’agriculture n’ont pas grandies entourées de femmes pour se projeter dans ce métier. Des initiatives telles que Farm’Her d’HECTAR sont spécifiquement conçues pour développer le leadership des femmes dans le domaine agricole. D’autres programmes, recommandés notamment par le Civam, se déroulent en non-mixité afin de créer un environnement propice à l’épanouissement et faire grandir la confiance en soi, par exemple dans l’utilisation des agroéquipements. C’est dans cet esprit que j’ai créé VoxDemeter, l’association que je préside. Celle-ci a pour vocation de mettre en lumière et d’encourager les femmes à faire entendre leur voix. C’est important de développer leur légitimité, où qu’elles se trouvent et quelle que soit leur production, leur âge, etc.  De même, nous cherchons à booster la mixité et l’égalité dans les conseils d’administrations des instances agricoles (syndicats, coopératives et autres structures…) encore trop peu féminisés.

Actuellement, seulement 10% des administrateurs des coopératives agricoles sont… des femmes ! Je suis convaincue qu’il faut encourager les femmes à se proposer pour prendre des postes de responsabilité et leur faciliter l’accès, avec des mesures telles que le mentorat agile et volontaire. Et la clé c’est le mentorat. Cela peut se faire entre administrateurs et nouvelles administratrices d’une même coop ou d’une autre coopérative à condition de se connaître et d’avoir envie de progresser ensemble.  Pour autant, il faut préparer rapidement la relève et créer des viviers de futures administratrices à l’instar des Bottées de la Cavac. Le défi du renouvellement des générations et la promotion responsable de l’importance des femmes dans l’agriculture sont intrinsèquement liés. La diversité et la mixité sont, pour moi, les fondements d’une agriculture résiliente et durable, capable de relever les défis de demain avec succès.

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